Février 1944, 80 ans après, Cluny se souvient

La date du 14 février 1944 restera comme l'une des plus sombres de l'histoire de Cluny. L'armée allemande d'occupation mène une opération d'ampleur contre la résistance locale en arrêtant puis en déportant plus de 70 Clunisoises et Clunisois.

En ce matin de février, le vent est glacial et quelques flocons viennent blanchir les toits de la ville. Des bruits de bottes, des coups de feu et des cris autoritaires réveillent les Clunisois. Depuis l’aube, l’armée allemande boucle la ville, surveille ses accès et arrête toutes les personnes qui, en cette heure matinale, partent travailler ou prendre le train. Ordre est donné aux habitants de rester chez eux, commerces et cafés doivent garder porte close. Une opération militaire se prépare et d’après plusieurs témoignages, elle était pressentie.Depuis quelques semaines en effet, des arrestations ont régulièrement lieu dans le secteur de Cluny. À Cormatin, Cruzille ou Blanot, des résistants sont faits prisonniers. La résistance clunisoise est dans le viseur des nazis qui, par l’intermédiaire d’un espion infiltré, détient une liste de ses membres. Depuis le poste de commandement installé à la « Kommandantur » (l’Hôtel Chanuet à la gare) des groupes composés de soldats de la Gestapo (la police politique allemande) et de gendarmes français se rendent aux domiciles des suspects pour les arrêter. Certains hommes ont eu le temps de se cacher ou de s’échapper par un toit ou la porte d’une arrière-cour. En représailles ce sont les épouses qui sont arrêtées avec pour simple recommandation de s’habiller chaudement. Les enfants, confiés dans la précipitation aux voisins, voient partir leurs mères avec angoisse.

En fin de matinée, environ 200 personnes arrêtées sont regroupées sur la place du Pont de l’Étang. L’attente dans le froid est longue. Vers 16h, une partie d’entre elles est embarquée dans des cars et un camion. Si les autres sont relâchées, l’opération n’est pas encore terminée. Elle se poursuivra le lendemain et jusqu’au 17 février par de nouvelles arrestations, notamment à l’Ensam ou au lycée La Prat’s. Les soldats brûlent dans les rues le mobilier de maisons, de cafés ou d’hôtels concernés par les arrestations. Quatre journées de terreur qui laissent une ville en état de choc et de nombreuses familles dans un désarroi profond.

Pour les 51 hommes et 20 femmes embarqués, c’est le parcours de l’horreur qui se dessine. Première étape à Lyon, au siège de la Gestapo d’abord, où ont lieu les premiers interrogatoires, parfois brutaux. Direction ensuite la prison de Montluc où les Clunisois font connaissance avec ce qui sera leur quotidien pendant les mois à venir, cellules surpeuplées, saleté, puanteur, vermine et nourriture infecte. Une douzaine de jours plus tard, les hommes sont envoyés au camp de transit de Compiègne dans l’Oise, les femmes en région parisienne au Fort de Romainville. Ce sera le temps des dernières correspondances avec les familles et des colis qui améliorent un peu le quotidien.

Après quelques semaines c’est le départ en train pour l’Allemagne. Entassés dans des wagons à bestiaux, le voyage dure trois, parfois quatre jours, dans des conditions épouvantables. Les femmes sont déportées au nord-est de l’Allemagne au camp de concentration de Ravensbrück. Les hommes, eux, sont dispersés dans plusieurs camps allemands (Dachau, Buchenwald, Bergen-Belsen, etc.), autrichiens (Mauthausen) ou polonais (Auschwitz). Tous connaîtront  l’horreur absolue, les brimades permanentes, les heures d’appel interminables, la peur, la faim, le froid. Le travail aux « Kommandos » est épuisant pour les corps amaigris qui souffrent bien souvent du typhus, de la dysenterie ou de la tuberculose. Aux côtés d’autres détenus français, allemands, russes, polonais, tchèques ou hollandais, ils doivent travailler plus de 12h par jour à la mine, dans des usines d’armement, au déblaiement de bâtiments bombardés ou au tri de biens confisqués aux juifs ou aux populations des pays annexés. Les hommes connaîtront la terrible carrière de Mauthausen d’où ils doivent remonter des pierres sur l’épaule par un escalier de 186 marches.

La maladie, l’épuisement et l’acharnement des nazis conduiront bon nombre des Clunisois déportés vers la mort et le four crématoire. Au printemps 1945, ceux qui ont survécu aux camps et aux dernières marches forcées sont libérés par la Croix-Rouge et l’armée américaine. Rapatriés en train, en camion ou en avion, ils reçoivent les premiers soins et surtout une alimentation suffisante. À leur arrivée à Cluny, les familles peinent à les reconnaître tant les corps et les visages sont décharnés. Le retour à une vie « normale » se fera progressivement mais les séquelles physiques et psychologiques de cette terrible épreuve ne s’effaceront jamais.

Source : Amicale des Déportés de Cluny. Février 1944 « Le pire c’est que c’était vrai ! ». Éditions JPM, 2005.
Article complet à retrouver dans le magazine Ensemble n°13.

PROGRAMME DES COMMÉMORATIONS

・Cérémonie commémorative Dimanche 11 février à 11h devant la stèle place des Martyrs de la déportation
・Expositions « Les femmes dans la Résistance » et « Résister dans les camps nazis » du 9 au 18 février aux Écuries de Saint-Hugues. Plus d’infos
・Conférence sur le procès Barbie, avec la participation du magistrat Jean-Olivier Viout, adjoint au procureur lors du procès en 1987, samedi 10 février à 14h30 salle Justice de Paix
・Théâtre « À rendre à M Morgenstern en cas de demande » vendredi 16 février à 20h au Théâtre Les Arts. Plus d’infos

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